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L'éloge de la caresse

La main s'ouvre, déploie ses doigts vers le dehors. Eclatement, transcendance vers le monde. Mais lorsqu'elle atteint le monde, les doigts ne se referment pas en une prise, en une emprise….

Les doigts restent tendus, offerts. Ainsi la main se fait-elle caresse » (E. Levinas)


C'est en fait l'étrangeté même de la caresse qui retient d'abord l’attention. Avec la caresse, on découvre qu'avec ce toucher particulier s'ouvre un espace-temps singulier.

Car la caresse ne vise ni une personne ni une chose. Elle fait naître un entre-deux, un monde intermédiaire, où chacun, à la fois touchant et touché, n'est plus exactement soi-même, sans être pour autant devenu autre. Consistant "à ne se saisir de rien", la caresse se contente d'effleurer. Elle glisse, toute en tact, indéfiniment. Elle cherche, sans savoir quoi, sans rien trouver, mais sans cesser. En fait, elle "marche à l'invisible". Ce toucher est donc bien autre chose qu'une banale affaire de peau, de cellules, de nerfs et de synapses. Un corps autre.

La caresse, n'hésite pas à dire Levinas, "transcende le sensible". Le corps caressé-caressant n'est plus celui de la physiologie. Ce n'est pas le corps-chose des anatomistes ou des médecins. Mais ce n'est pas non plus le corps exhibé de l'artiste dansant, ni l'organisme soumis aux contraintes du travail, ni la silhouette courbée aux ordres des pouvoirs. C'est un corps autre, à la limite du dicible et du pensable. Curieusement obscur et lumineux à la fois, jamais entièrement présent, toujours en devenir, comme en deçà du monde des choses.

La caresse n’est pas un savoir mais une expérience, une rencontre.

La caresse n’est pas une connaissance de l’être mais son respect.

La caresse n’est ni pouvoir, ni violence mais tendresse. Elle n’est pas fusion mais relation et fait surgir l’unicité irremplaçable de chacun.

C'est cette caresse qui fait le secret, la profondeur et la puissance du massage tantrique.



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